Quelles sont les modalités de départ négocié d’une entreprise ? Depuis la fin de 2014, la rupture conventionnelle est l’unique moyen de mettre fin à un contrat à durée indéterminée (CDI) par accord entre un salarié et une entreprise du secteur privé. En dehors de ce cadre, un départ négocié est impossible (Cour de cassation, chambre sociale, 15 octobre 2014, pourvoi n° 11-22.251). Sauf exceptions, toute personne ayant terminé sa période d’essai peut quitter son employeur par rupture conventionnelle. Une rupture conventionnelle est-elle toujours plus avantageuse qu’une démission ? Oui. Contrairement à certaines démissions, un départ négocié permet au salarié de recevoir l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), s’il a cotisé suffisamment à l’assurance chômage. Autre avantage : votre entreprise vous règle une indemnité de rupture. Dans les deux cas, elle vous verse éventuellement une indemnité liée aux congés payés non pris. La démission a un seul intérêt : si votre employeur vous dispense d’exécuter le préavis sans que vous le demandiez, il vous doit une indemnité correspondant à la durée de cette période. Il n’y a pas de préavis dans la rupture conventionnelle. La rupture conventionnelle est-elle préférable à un licenciement ? Un départ négocié peut être plus facile à supporter psychologiquement. Financièrement, les différences sont minimes. Vous avez normalement droit à l’ARE si vous êtes remercié. Votre entreprise vous dispense de travailler pendant le préavis de licenciement ? Vous percevez alors une indemnité de préavis. La rupture conventionnelle présente un atout notable. Si vous êtes dans la même structure depuis moins d’un an, l’indemnité minimale de rupture est égale à 1/5e de votre salaire brut mensuel multiplié par le nombre de mois travaillés sur 12. Après un licenciement, en principe, vous ne touchez pas d’indemnité en deçà d’un an de présence. Au-delà de ce seuil, vous avez droit à la même indemnité de rupture dans les deux hypothèses. Le minimum légal correspond à 1/5e de votre salaire brut mensuel multiplié par le nombre d’années travaillées. Dans le cas où votre ancienneté est supérieure à dix années, votre entreprise vous règle en outre 2/15e de votre salaire mensuel par année dépassant ce niveau. Toutefois, votre convention collective, un usage ou votre contrat de travail peut imposer une indemnité plus élevée que ce qui est prévu par la loi. Comment prendre l’initiative de la rupture conventionnelle ? Parlez-en à votre employeur (le dirigeant de l’entreprise ou le service des ressources humaines). Comme il n’est pas obligé d’accepter la rupture, donnez-lui de bons arguments. « Si vous avez trouvé un nouveau poste, ne le dites surtout pas : il vous incitera à démissionner, avertit Sophie Aubard, associée et cofondatrice de l’Institut du salarié, un cabinet de conseil. Quels que soient vos motifs, ne vous livrez pas à un bras de fer. Posez-vous en victime : mettez en avant des “préjudices”, comme un mal-être, une insatisfaction, une insuffisance ou une surcharge de travail. » Vous pouvez signaler un salaire inférieur au minimum prévu par votre convention collective, des heures supplémentaires impayées, des faits de discrimination ou de harcèlement que vous subissez. Pourquoi votre employeur peut-il accepter votre départ ? Un salarié qui a perdu sa motivation sera moins productif que les autres. Auprès du personnel, un « divorce par consentement mutuel » donne une meilleure image de la direction qu’une démission ou qu’un licenciement. La probabilité d’un procès devant le conseil de prud’hommes est faible. Enfin, un départ permet à une entreprise en difficulté de diminuer ses coûts. Combien de temps durent les négociations ? Tout dépend de votre ténacité, de la disponibilité et de la bonne volonté de vos interlocuteurs. « Souvent, trois entretiens au moins sont nécessaires : le premier pour s’accorder sur le principe de la rupture, le deuxième pour déterminer les conditions financières, le troisième pour décider des formalités de la rupture, détaille Sophie Aubard. Le risque existe que les négociations s’éternisent plusieurs mois, en particulier dans les grandes structures. Pour le prévenir, fixez un calendrier à la fin du premier entretien. » Pouvez-vous négocier l’indemnité de rupture ? Oui. Vous avez la possibilité d’obtenir davantage que le minimum applicable à votre situation. Contactez vos ex-collègues qui ont négocié leur indemnité de rupture pour connaître la politique de l’entreprise en la matière. Comme vous prenez l’initiative de la rupture, proposez à votre employeur un montant. Rappelez-lui les éléments sur lesquels vous vous appuyez : vos préjudices ainsi que votre niveau de poste, votre rémunération et votre ancienneté. « Le salarié ne doit pas se montrer arrogant. Trop gourmand, il risque un refus, observe Jean-Pierre Lorenzi, enseignant à Sciences Po Paris et ex-directeur général du cabinet de conseil et de formation Altedia Cogef. Il faut aussi éviter d’être flou, en proposant clairement les conditions de son départ. » Votre entreprise est susceptible de vous soumettre, en réponse, une contre-offre moins favorable. Si cela ne vous convient pas, suggérez un autre montant et poursuivez le dialogue. « Une attitude rigide est à proscrire, précise Jean-Pierre Lorenzi. Comme dans des négociations commerciales, il importe d’être souple, de faire des concessions pour trouver un terrain d’entente. » Si votre employeur, par exemple, rejette vos prétentions d’indemnité, convainquez-le en indiquant vouloir rester dans l’entreprise le temps nécessaire pour former votre successeur. De toute façon, les deux parties ont intérêt à ce que les discussions aboutissent. Un échec vous obligerait à démissionner. Votre employeur pourrait être tenté de vous licencier.sources Dossier Familial