Un article intéressant publié sur Focus RH Depuis son entrée en vigueur en 2008, la rupture conventionnelle connait un franc succès : plus d’1,5 millions d’homologations ont été enregistrées à ce jour. Cette popularité s’explique par de nombreux atouts : rapidité et simplicité, absence de cristallisation d’un conflit, absence de motivation de la rupture, prise en charge par l’assurance chômage, bénéfice d’un régime fiscal et social de faveur. Au cours de ces derniers mois, la jurisprudence de la Cour de Cassation est venue préciser les contours de ce mode de rupture plébiscité par les entreprises et les salariés. La Haute juridiction, qui ne semble pas vouloir entraver cet engouement, repousse sans cesse les limites de la rupture conventionnelle. Un mode de rupture au champ d’application élargi… La rupture conventionnelle est une procédure qui permet à l’employeur et au salarié de convenir ensemble des conditions de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée qui les lie. Contrairement au licenciement et à la démission, cette rupture ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention dont les conditions de validité sont encadrées par le Code du travail afin de garantir la liberté du consentement. La Cour de Cassation a récemment consacré la rupture conventionnelle en affirmant que ce mode de rupture est l’unique voie de la rupture amiable du contrat de travail, sauf dispositions légales contraires (Cass. Soc., 15 octobre 2014, n°11-22251). Au fil du temps, la jurisprudence de la Haute juridiction lève les interdits relatifs à la rupture conventionnelle : • Alors que de nombreux juges du fond avaient retenu l’existence de désaccords pour remettre en cause la validité des ruptures conventionnelles, la Cour de Cassation a jugé que l’existence d’un différend au moment de la conclusion d’une rupture conventionnelle n’affecte pas en elle-même sa validité (Cass. Soc., 26 juin 2013, n°12-15208 ; Cass. Soc., 19 novembre 2014, n°13-21979) ; • A également été reconnue la possibilité de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié déclaré apte avec réserves à la reprise du travail à la suite d’un accident du travail (Cass. Soc., 28 mai 2014, n°12-28082) ; • De même, la Cour a consacré la possibilité de rompre conventionnellement le contrat d’un salarié suspendu en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (Cass. Soc., 30 septembre 2014, n°13-16.297), ou d’un congé maternité (Cass. Soc., 25 mars 2015, n°14-10149). …mais dont les garde-fous persistent Les jurisprudences levant les interdits relatifs à la rupture conventionnelle prennent soin de rappeler les garde-fous suivants : les vices du consentement et la fraude de l’employeur. Le salarié peut ainsi solliciter, pendant 12 mois, la nullité de la convention de rupture qu’il a signée dès lors qu’il démontre que son consentement a été vicié, ou qu’il existe une intention frauduleuse de l’employeur. La fraude étant rarement invoquée en pratique, l’éventuelle remise en cause de la rupture conventionnelle repose essentiellement sur la caractérisation d’un vice du consentement. A titre d’illustration, la Cour de Cassation a retenu l’existence d’un tel vice dans les hypothèses suivantes : • la violence exercée à l’encontre du collaborateur par l’employeur menaçant de ternir la poursuite de son parcours professionnel (Cass. Soc., 23 mai 2013, n°12-13865) ; • la contrainte sous la forme d’une sanction prise le jour de la signature de l’accord de rupture conventionnelle (Cass. Soc., 16 septembre 2015, n°14-13830) ; • l’erreur du salarié résultant de la transmission par l’employeur de renseignements manifestement inexacts afférents au calcul de l’allocation chômage (Cass. Soc., 5 novembre 2014, n°13-16372) ; • l’indication erronée fournie par l’employeur quant au maintien de la rémunération du salarié en application de la clause de non-concurrence (Cass. Soc., 9 juin 2015, n°14-10192 : l’employeur avait délié le collaborateur de sa clause de non-concurrence après l’homologation de la rupture conventionnelle). L’autonomie du régime de la rupture conventionnelle semble donc aujourd’hui consacrée par la Cour de Cassation. Même si peu de contentieux existent en la matière, il ne peut être que conseillé aux employeurs de toujours conserver la preuve de la volonté du salarié de rompre son contrat de travail afin de se prémunir du risque de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse pour vice du consentement.