Lassitude face à la gestion du personnel? la solution: le recours à des indépendants? Pas si sûr…

Le risque de requalification est pourtant important.

La Cour de cassation fournit les éléments permettant de déceler l’existence d’un contrat de travail.

[Cass. soc., 22 mars 2018, n° 16-28.641]

Les faits:

Salarié au sein de l’entreprise, un salarié démissionne, crée un statut d’auto-entrepreneur et reprend l’exercice de cette même activité. Par la suite, il saisit le conseil de prud’hommes d’une demande de requalification en contrat de travail et des indemnités afférentes à la rupture abusive de ce contrat.

La décision:

La Cour de cassation estime qu’il était en réalité salarié. Il avait poursuivi son activité pour la même entreprise, dans les locaux de celle-ci, sur sa chaîne d’abattage, en utilisant la pointeuse de cette dernière, ce dont il se déduisait qu’il travaillait sous la direction et le contrôle de celle-ci.

Les critères déterminants:

L’auto-entrepreneur peut être requalifié de salarié lorsque les personnes fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

  1. Critères de requalification: un travail pour autrui, une rémunération et une subordination.

Une fois ces éléments réunis, la relation est un contrat de travail, peu importe la qualification initialement retenue par les parties

Le lien de subordination juridique, caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné [Cass. soc., 13 nov. 1996, n° 94-13.187].

  1. Caractériser le lien de subordination juridique. Le lien de subordination juridique est déduit par les juges d’un faisceau d’indices très variés.

Ici, la Cour de cassation retient que :

– le travailleur a repris une activité identique à celle qu’il exerçait lorsqu’il était salarié de l’entreprise ;
– dans les locaux de celle-ci, sur sa chaîne d’abattage ;
– en utilisant la pointeuse de cette dernière.

Sont également fréquemment retenus :

– que la sous traitance est un client unique ;

– que l’appartenance à un service organisé dont l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail (horaires, règles disciplinaires, etc.) ;

– qu’aucun devis préalable n’ait été établi ou que les prix soient fixés par le client;

Les conséquences graves:

  • Poursuites pénales pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié. Les condamnations pénales pour travail dissimulé encourues sont prononcées personnellement à l’encontre du gérant comme à celle de la société en tant que personne morale. Les sanctions peuvent aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende, et de 225 000 € pour la personne morale.
  • Redressement Urssaf pour réintégration dans l’assiette des cotisations et les sommes versées à des travailleurs recrutés sous un statut d’indépendant.

S’ajoute, que la société qui fait l’objet d’une condamnation pénale pour travail dissimulé à la suite d’une requalification en contrat de travail est automatiquement tenue au paiement des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs, calculées sur les sommes versées aux travailleurs au titre de la période pour laquelle la dissimulation d’emploi salarié a été établie [C. trav., art. L. 8221-6, II].

  • Saisine prud’homale avec des demandes indemnitaires lourdes:

– une indemnité compensatrice congés payés ;
– une indemnité compensatrice de préavis ;
– une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
– une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé égale à six mois de salaire [C. trav., art. L. 8223-1] ;