Je suis professionnel preneur, dois-je payer mon loyer ?

Un mois supplémentaire de confinement et une réouverture sans doute plus tardive des restaurants, bars, boutiques et bureaux. L’annonce faite lundi par le Président de la république conforte les craintes de beaucoup de commerçants et de professionnels sur les graves difficultés économiques qui les attendent… L’activité est paralysée et des locataires sont déjà en difficulté pour payer leur loyers..

Doit-on payer son loyer?

Les deux ordonnances des 25 mars 2020 ne permettent aux professionnels et commerçants  éligibles que le seul REPORT des loyers et ce, pour une durée allant jusqu’au 24 juin voire au 24 juillet 2020.

En aucun elles ne consentent une annulation de ceux-ci.

Les conditions pour bénéficier d’un tel report de paiement de paiement des loyers sont les suivantes :ne pas être en état de cessation des paiements, une perte de CA de plus de 50 % en mars 2020 par rapport à mars 2019, un début d’activité avant le 1er février 2020, un effectif inférieur ou égal à 10 salariés, un CA <1 million d’euros, une rémunération du dirigeant d’un maximum de 60000 euro.

Les loyers ne sont pas effacés et les bailleurs pourront assigner en paiement et faire jouer la clause résolutoire dès la fin de l’état d’urgence si la dette n’est pas payée, c’est à dire dès cet été.

En revanche les preneurs n’encourent aucune sanction financière du fait du non-paiement des loyers et charges pendant cette période, courant du 12 mars au 24 juin ou 24 juillet. Autrement dit, ni intérêts, ni clauses pénales ni  dommages intérêts ne pourront être mis à la charge des locataires.

Pourra- t -on obtenir postérieurement une annulation des loyers dus pendant la période dite « d’urgence »?

Pourquoi pas.

Au par cas, pourront être étudiés et soulevés des moyens de droit commun pour faire annuler la dette locative des professionnels et commerçants en difficultés avec des interrogations énormes sur la position que prendront les juges.

  • La force majeure de l’article 1218 du code civil: il faudra convaincre les juges qui considèrent jusqu’alors que le débiteur d’une somme d’argent ne peut invoquer la force majeure.
  • Le manquement du bailleur à l’obligation de délivrance visée à l’article 1719 du code civil. Dans ce cas, le manquement n’est pas le fait du bailleur mais celui d’un fait extérieur (mesures gouvernementales). Le bailleur pourra alors invoquer la force majeure pour justifier l’inexécution de son obligation de délivrance.
  • L’imprévision de l’article 1195 du code civil, mais elle suppose une renégociation du contrat de bail et le preneur reste tenu du paiement des loyers pendant celle période de discussions amiables .En cas d’échec le juge saisi pourra soit réviser le contrat soit le résoudre…

Que faut-il faire?

Négocier avant tout.

Le plus sage est de faire application des ordonnances lorsqu’on est éligible.

Dans le cas contraire, entamer des discussions amiables avec son bailleur pour reporter le paiement des loyers voire diminuer le montant de celui- ci pendant la période de crise.

Les juges seront certainement, et je l’espère, dans ce contexte économique mondial sans précédent, sensibles à la bonne foi dans l’exécution du contrat, notion « pilier » de notre code civil qui doit présider dans les relations d’affaires.

Mélanie VOISINE

Avocat au Barreau de Rennes

le 14 avril 2020